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L’HAITIZ de tous les possibles la plus belle des radios
todayJune 1, 2023 87 4 3
De quel lieu, vers quelle cime gravira le poème/ le poète pour faire remonter les sources pleines de la vie. Il arpentera sans doute terre, ciel, brûlera à tous les feux, amour et folie compris, humera les nectars, parfums, l’air et se mouillera à tous les ports, se trempera à toutes les mers pour donner corps aux quatre éléments. Vivre est lutte, conscience, amour, et toucher aux côtés simples de la vie. À quelque lieu de l’enfance, à quelque lieu de l’amour, à quelque lieu des corps-à-corps de la lutte. Écrire est sentir le monde, la vie et ses contraires. Écrire est une urgence. Écrire est un voyage. Le poème comme voyage. L’écriture roulerait à vide si elle portait en elle des quartiers de conscience, d’engagement.
Le poète Jean Venel Casséus, trop imbu de la jactance du sort, le fameux “alea jacta est” de César, vingt-deux siècles plutôt, semble se remettre à la force, à la vérité des mots pour faire naître le poème. Ici, il crache : « par ton souffle à sa fin la beauté ou encore à sa gloire / à sa désillusion ou encore à l’amour qui tend à rendre à l’Homme toute son humanité. » (Yanvalou 76) Ailleurs il cloue : « Chak jou g’on defisi li kite nan memwa-w / men jou sa s’on mak san li kite n’on dra blan » (Yanvalou 72 )
C’est dans le jeu dialogal bilingue (créole et français) que le poète construit son chant, son discours. Dans le poème de Jean Venel, le français ne l’emporte pas sur le vernaculaire haïtien, comme dans la prétendue règle où le masculin confisque la prééminence sur le féminin.
Le poème se définit dans la limpidité des images qui coulent de source. L’autre respire à quelques lieux ; l’autre est cet “étranger proche”, mais demeure-t-il étranger cette voix qui nous côtoie ? Si proche qu’il se situe, paraît-il encore un étranger ? “Je” dialogue souvent un tu ! Et le « tu » est toujours le complémentaire d’un « je » complice.
Qu’il cuit des désirs, qu’il pleut de l’amour, le factum n’est jamais trop loin ! Qu’il exige, recommande des prises de position, un engagement face au destin qui sourd, à la débâcle qui fleurit, demain demeure un fait, un geste, un acte qui ne peut pas mourir !
En témoignent ces vers :
« au diable ma raison par devant ma passion de faire chair à ma terre / Partout où je me terre sa voix est ma demeure / Partout où je m’exile dans mon cœur bat mon île » (Yanvalou 70) et : « Trase kata bay lanjelis / Ajiste swaf nan po kalbas / Depi nou pa panse kilti maleng nou fenk kare java » (Yanvalou 67)
Le poème tel un fleuve tranquille roule son ruban cristallin jusqu’à se métamorphoser par soubresauts, ici, par des accents lyriques, « Ton corps couve encore ton enfance/ dans le coquillage du regret » (Yanvalou 58,) « Gen ki rete epi ki la malgre figi lespwa kanni » ( Yanvalou 51 ) ; ailleurs, par des éclats de réveil, « Gen sila vwa yo kolboso nan ede kòk yo chante pou reveye yon douvan jou » (Yanvalou 51), et des caillots où rougit la révolte, « Pa jwe yoyo ak nanm yon pèp ki konn lò pawòl yo prese », (Yanvalou 47).
La mort, la beauté, l’amour, l’exil, le sentiment qui fonce et part, ces zestes d’espérance minés par le chagrin, ce refus d’abattre en soi ici malgré toutes les sirènes de l’ailleurs parcourent et parfument le poème. “Yanvalou” de Jean Venel Casséus demeure une invitation à la danse des mots, au voyage du phonème pour finalement atteindre le faîte du firmament, du beau : « Après les nuages / le ciel / Plus loin que le ciel / l’envie / Plus haut que l’envie / l’inertie » ( Yanvalou 22) Inaccessible, que serait le faîte du firmament ?
Au-delà de toutes les confluences qui laissent leurs traces dans le poème, Riverdy est passé par là. Sa conception de l’image poétique consistant dans le rapprochement des réalités lointaines pour rendre plus frappante l’image, martelée tels des médaillons qui parsèment le texte de Casséus. Arrêtons à ces illustrations : « Papiyon wè koukouy lè zye-w tounen òkès » (Yanvalou 31) et « Les routes ayant connu mes pas rangent mes sueurs sur tes étagères » (Yanvalou 49) ou « Ce soir au bar la vie se passe de ses prestiges pour s’admirer dans ton regard” (Yanvalou 33)
Finalement ces vers beaux riverdiens à la limite : « Nan syèl rèv mwen cheri ou pòtre yon zetwal m’ap file tout jounen » (Yanvalou 33) Il y passe dans “Yanvalou” de Jean Venel Casséus un parfum de désacralisation – fruit d’un désenchantement, Jacques Derrida n’est pas loin – ou une certaine ” esthétique du délabrement” ( L. Trouillot). Le sacré paraît vidé de son essence afin de faire naître le beau dans la quintessence des contraires. « ki kris ki kwa ki ka di-m konbyen bras lonbray ki gen nan lenn yon pye figye… » (Yanvalou 60) Ou « Lè ti jezi te nan po krab nou te konn fè lago kache » (Yanvalou 44) et « Je m’installe dans tes yeux me voici véniel de tes regards … Me voici dans ton jardin avec le serpent qu’il nous faut peu importe les fruits trinquons à nos péchés » (Yanvalou 30) Baudelaire a eu certainement raison dans son brûlot, dans son chef d’œuvre ” Les Fleurs du mal”. Dans l’autre monde où il nous regarde, il piaffe sans doute d’admiration devant ses trouvailles littéraires. René Philotècte, Georges Castera n’en diront point le contraire.
Si le poème se construit dans la quête de l’autre, l’altérité y tient une place fondamentale, c’est, que le poème ne constitue jamais une aventure solitaire.
Au poète de jeter aux quatre vents sa création. Au poète de définir au monde sa mission. Verlaine, dans son aventure littéraire, confiait ” De la musique avant toute chose”, Jean Venel Casséus ne projette-il pas en liminaire, “Ma poésie est dans l’indiscipline de la capitulation des consonnes à contresens du non-sens / J’esquive les lignes dont le feu-vert ne donne pas accès aux âmes” (Yanvalou 1er) un art, son art poétique, il n’en demeure pas moins. De là coule tout son projet. L’éternité, une béance sur son chemin
Written by: Rédaction
James Stanley Jean Simon Jean Venel Casseus Poesie Yanvalou
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