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L’HAITIZ de tous les possibles la plus belle des radios
Instrument libre et libérateur, le tambour africain a été ostracisé depuis son entrée dans le Nouveau Monde, via Saint-Domingue (Ayiti). Les bien pensants n’ont heureusement jamais pu freiner son ardeur et ses palpitations presque humaines. Mais, il a fallu une révolution pour sa popularisation à travers l’Amérique, suite à la dissémination des Haïtiens en Louisiane, à Cuba et dans toutes les Amériques. Après la victoire de 1804, le tambour devint en Haïti, synonyme d’ « ’âme populaire » et, tout un chacun se targuait de pouvoir le manier. Mais n’en déplaise à ses innombrables adeptes, cet instrument d’une immense complexité requiert don, agilité, sensibilité et génie. Comme le prouva un certain Raymond Ballergeau, dit: « Tiroro », l’homme qui en connaissait les plus intimes secrets, du bruit et de la fureur du tam-tam. Surnommé le“Roi du tambour” par tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre: compatriotes envoûtés, étrangers épatés, experts en la matière, sceptiques armés d’une idée vague de ce noble instrument. Tous, ont reconnu et admis, qu’il n’avait point de pareil dans l’art de jouer du tambour.
Dans ce monde qui fit peu cas de ce symbole de l’alma mater, il a fallu la force de « Tiroro », le tambourineur aux palmes de fièvre, pour convaincre les incrédules avec cet instrument conquérant et rebelle. Raymond s’est initié aux multiples rythmes du terroir et à l’art de jouer du tambour, en grandissant dans les hauteurs des mornes environnantes de Port-au-Prince, spécialement sur l’Habitation Baillerjau qui survolant les zones de : Carrefour Feuilles, Croix-de-Près, Kenscoff dans les aires de Pacot, du Haut-Peu-de -Chose. D’une famille de notables au sein de laquelle son frère était député sous les règnes d’Estimé et de Magloire. Après les premières réussites locales de ses débuts, il conquit en maître les scènes d’outre-mer. Il apparut durant la période dite: ‘’La belle époque’’, du mouvement indigéniste, quand survolaient les concepts de revalorisation et de renaissance de la culture nationale, après une ère de répression des traditions culturelles. Repéré dans le milieu, “Tiroro” roula sa bosse un peu partout, propageant son style et son toucher, authentique, héritier, missionnaire de réhabilitation des rythmes et paramètres percussifs d’origine.
A la fois dominateur et excitant, discret et explosif, “Bibil”’ éleva le tambour en instrument de prédilection. En 1949, il accompagna la cantatrice états-unienne Christina Carroll au Théâtre de Verdure, lors de l’inauguration de la Cité de l’Exposition. On le retrouva aussi en ‘’freelancer ‘’avec le célèbre «Orchestre El Sahïeh», de même que de sa collaboration avec L’«Immortel Jazz des Jeunes», avec lequel il partit en tournées internationales en compagnie de Lumane Casimir et de la Troupe Folklorique Nationale sous la direction de Jean Léon Destiné et de Lina Blanchet. Il émerveilla le public du Canada, des Etats-Unis, de Cuba, d’Amérique latine etc. Vers 1950, il fit partie du “domaine public”, ainsi que Lumane Casimir et Guy Durosier, selon le vœu du gouvernement d’alors. Dans les cérémonies, les fêtes traditionnelles, les représentations officielles ou sur les chars carnavalesques, partout, « Tiroro » faisait la fête, bourré de son humeur contagieuse. Entouré de trois ou quatre tambours, sous les tempos les plus divers, pouvant aussi porter sur un seul instrument plusieurs gammes chromatiques, assortie de deux octaves, le tout avec une singularité de showman patenté.
Que dire de la distillation de son phrasé « slowmo’ », au mouvement graduel qui transpose par séquences, les vibrations en pulsations mineures ou « uptempo »; tout en chacune entremêlées d’une intense précision. Le génie musical de “Tiroro” fit des adeptes de poids, en dehors de sa terre natale. Le célèbre batteur innovateur de jazz, l’afro états-unien Elvin Jones, reconnut avoir beaucoup appris du légendaire tambourineur haïtien; duquel il tint la méthode polyrythmique qui l’obligea à abandonner le battement comme unité de mesure, à inventer des structures complexes qui se superposent avec véhémence. Des modèles qui ont influencé son style fait de brusques alternances- ralentissements-chavirements qui parcellent le battement rythmique, lesquels lui ont aussi permis d’entamer sa révolution dans la musique du jazz. Pouvait-il aussi croire que ce milieu briseur de génies, mangeur de talents, n’en avait cure des « Tiroro », des Lumane, des Nemours ou des « Tiparis »… ces héros dont les étendards devraient flotter pour les générations futures. RB est mort prématurément, de façon dramatique, en faisant l’amour dans un motel sur le boulevard Jean Jacques Dessalines, suivi d’un copieux repas, en succombant d’une congestion cardiaque à la manière de J. Rockefeller.
Written by: Rédaction
Copyright JV Casseus