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    L’HAITIZ de tous les possibles la plus belle des radios

Album review

8th Sacrement, un disque fou

todayApril 4, 2021 185 10 4

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Par Ralph Boncy

C’est un moment marquant de son adolescence en Métropole et Jocelyne Béroard, la chanteuse de Kassav’, l’évoque toujours avec la même ardeur :

« On connaissait Tabou Combo en Martinique, bien sûr, mais j’étais à Paris quand c’était un gros tube là-bas. Tous les Français dansaient sur New York City ! Et quand il y a eu cette première grosse émission à une heure de grande écoute, je sautais dans mon appartement. Pour une fois, il y avait des Antillais à la télé ! »

Complainte d’exil sur une rythmique inextricable, riffs de guitares façon rock tropical, rondes enfantines, chanteur allumé et choristes à peine audibles : quelqu’un chez Europe 1 a flashé sur ce truc électrisant et frénétique, une novelty comme on dit aux États-Unis, qui ne ressemble à rien de déjà entendu. Son 45 tours New York City, le tube de l’été à la grandeur de l’Hexagone, atteint la première place du hit parade en août 1975, et le Tabou Combo de Pétion Ville entre dans sa légende…

Un certain Carbaza, distributeur antillais, est passé par là, et Monsieur Eddie Barclay, le grand patron du disque en France, signe ce 33 tours bizarrement intitulé 8th Sacrement, paru quelques mois plus tôt chez Mini Records, ce minuscule label de la diaspora créole d’Amérique. Mieux encore, le gentleman Barclay reçoit, pour un concert privé dans son appartement parisien, cette bande festive de jeunes Haïtiens qui n’en croient pas leurs yeux. Leur chanson-collage New York City, un jam effréné qui frise les dix minutes de groove, a été coupé en deux  pour les besoins de la cause mais les radios comme les pistes de danse s’enflamment à chaque fois que Roger “Shoubou” Eugène s’exclame :

« Ala ti pitit danse ! Ala ti pitit danse ! » (Regarde-moi cette petite qui danse !)

L’ironie dans cette célébrité soudaine c’est que ce groupe de garçons de  la banlieue sud-est de Port-au-Prince se faisait d’abord appeler Los Incognitos. Ces « inconnus » jouent leur premier concert à l’église Saint-Pierre de Pétion Ville et gardent ce nom jusqu’au jour où leur leader, Albert Chancy, aperçoit le mot « tabou » chez un fleuriste de la capitale. Il propose alors de changer le nom pour Tabou Combo à la dernière minute, juste avant une prestation.

En 1968 et 1969, Tabou gagne des concours locaux et provoque la frénésie dans la jeunesse du pays, s’imposant comme le mini-jazz de l’heure avec son premier et mémorable album Haïti.

L’année d’après, coup du destin, le groupe est littéralement démantelé par les départs individuels et successifs de tous ses membres vers les États-Unis. Heureusement, ils se retrouvent un à un, un peu par chance, convergeant tous vers Brooklyn. Les répétitions commencent à l’automne 1970 et le premier bal des retrouvailles se tient début décembre sur l’avenue Nostrand, dans Queens.

En 1972, 73 et 74 vont paraître coup sur coup trois albums de ce Tabou reconstitué en terre étrangère. D’abord l’album À la Canne à sucre en référence au club où il est en résidence, puis Respect et 8th Sacrement enregistrés par l’ingénieur juif, Irv Greenbaum, un habitué aux musiques latines, au Broadway Recording Studio à Manhattan. Des trois disques dans la même foulée, Respect  reste assurément le meilleur, mais le dernier est celui qui passera à l’histoire avec le succès que l’on sait.

Car le plus gros hit du konpa à vie est un OVNI auquel rien ne se compare. Truffé d’insolences puériles (Au clair de la lune, Maman !), moqueur et blasphématoire envers la religion catholique, jonché de breaks inattendus et parsemé de faux applaudissements rajoutés en dépit du bon sens; on y chante en créole, en espagnol en anglais et même en latin (Pace Domine). On y joue aussi du  blues avec de l’accordéon et une espèce de rock caraïbe aux guitares abrasives, à la fois spontané, nonchalant et rageur.  Et, par-dessus tout, on y danse, on y danse !

 

« On a eu un coup de chance. On ne savait pas trop ce qu’on faisait. On voulait juste jouer juste de la musique », confiera plus tard au musicologue Gage Averill, le chanteur Fanfan Ti Botte, promu au rang de réalisateur au fil des ans.

Un brin salace et d’une originalité franchement débridée avec des intros à la James Brown ou Joe Tex, lorgnant le funk typique des grands  centres urbains d’Amérique à l’époque, ce disque fou garde le mérite d’inscrire sur la carte du monde à la fois le nom du konpa et celui d’une petite ville dans les montagnes, autrefois appelée La Coupe mais rebaptisée au nom d’Alexandre Pétion, héros de l’indépendance d’Haïti qui a combattu victorieusement la France en 1803.

TABOU COMBO DE PÉTION VILLE – 8th Sacrement (Mini Records, MRS 1044, 1974)

Titres :
A1-8th Sacrement, A2-Pace domine, A3-Come back my love, A4-Respect / Zapaton
B1-New York City, B2-Couraï (Courage), B3-Education

Musiciens :
Roger (Shoubou) EUGÈNE, chant lead
Yvon MONDESIR, chant lead et chœurs
André (Dadou) PASQUET, guitare lead
Jean-Claude JEAN, guitare
Yvon CINÉ, guitare basse
Adolphe CHANCY, guitare basse
Herman NAU, batterie
Jean Yves “Fanfan” JOSEPH, congas et chœurs
Yvon “Kapi” ANDRÉ, percussions et chœurs
Guery  LEGAGNEUR, accordéon

Enregistré au Broadway Recording Studio
Ingénieur : Irv GREENBAUM
Mixage : Irv GREENBAUM et Herman NAU
Production : Fred PAUL

 

Written by: Rédaction

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