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L’HAITIZ de tous les possibles la plus belle des radios
… Nous fermons les yeux pour faire, sans bouger, un voyage dans le temps. Comme par magie, nous nous retrouvons en 1964 environ, pour visualiser l’hôtel Ibo-Lélé à la Montagne Noire, à Pétion-Ville, et son fameux « shango » dancing, ball-room. C’est la propriété des Baussan, avec une clientèle à la fois haïtienne et cosmopolite, honorée dans ses galeries par les photos de touristes et visiteurs célèbres (Richard Nixon, Martine Carol et autres actrices ou vedettes renommées). Tous les week-ends, une petite formation célèbre, ou combo, anime au « shango » un bal pour autochtones ou étrangers.
C’est Ibo-Combo, l’ancêtre célèbre, voire le premier des mini-jazz haïtiens (à égalité peut-être avec son contemporain, les « shelberts » du Canapé-Vert) ; précédant les « shleus-shleus » dans la faveur populaire. C’est une pléiade de grands talents.
On y remarque des figures comme Ferdinand Dor (contrebasse), José Tavernier (maestro, batteur et chanteur), Jacquy Duroseau (piano), Titte Pascal et Fritz Joassaint (guitare), Eddy Prophète (accordéon et piano), Carlos Ramirez (accordéon), André Romain (chant). Il y a un jeune saxophoniste, remarquable à l’alto et occasionnellement au ténor : Lionel Volel. Il est étincelant, habile, élégant et fringant. Il est très intelligent et, comme pour plus d’un de cette bande de complices, d’amis et de dragueurs, tape dans les yeux des filles, admiratives.
Amis et musiciens auxiliaires, d’Ibo-Combo : Jacques Paul Eugène, des « shelberts du Canapé-Vert », et « Ti-Ben »…X… Benoit, respectivement à l’accordéon et au floor-tom à cow-bell ou gong.
Ibo-Combo a bénéficié généreusement des conseils et arrangements, parfois, de la direction musicale, de leur aîné plus avancé, grand chanteur et arrangeur-compositeur, Herby Widmaier. Ce dernier était très versé dans le jazz et l’harmonie moderne. Il a donc influencé les goûts de ces musiciens comme pour d’autres avant eux.
Le « shango » et ses nuits magiques sont courus et fréquentés par tout le beau monde bourgeois ou petit-bourgeois et la jeunesse éclairée. Et même par les musiciens rivaux et curieux. Ce bonheur dure trois ans environ (1964-1967) ; jusqu’à un accident tragique, un attentat par balles à la vie du guitariste-vedette, Alix « Titte » Pascal, qui s’en sort paralysé des membres inférieurs (janvier 1967).
Pendant quelque temps, c’est le pèlerinage des amis et musiciens au domicile de la victime pour des conseils ou répétitions, de Jazz en particulier. C’est chez Titte Pascal, mon cousin, à la rue Geffrard, Pétion-Ville, que j’ai connu tout ce beau monde et en particulier Lionel Volel, Jeannot Montès, Didier Pétrus, Fritz Joassaint et puis Boulo Valcourt. Ils tâtaient et expérimentaient les morceaux du grand genre américain, le Jazz, avec des bossas-novas au passage.
Durant trois à quatre dimanches, dans l’enceinte de l’église Saint-Pierre à Pétion-Ville, sous prétexte d’animation musicale et spirituelle, on a pu écouter, lors des pauses de la messe, des airs de Jazz – ô profanation ! – dont « Take five » de Paul Desmond et Dave Brubeck, joués par un curieux quartet : Lionel Volel au saxophone alto, exposant et unique soliste, Jeannot Montès, à la contrebasse, Titte Pascal à la guitare électrique et Didier Pétrus, à la batterie. Ils étaient encouragés en cela par un prêtre singulier et contestataire, le spiritain René Soler. Nous sommes en 1968, sous François Duvalier.
Après le départ de Titte Pascal pour les États-Unis, Lionel Volel, Boulo Valcourt, Jeannot Montès, Frantz Courtois, Jean Alix «Jan-Jan » Laraque et un ou deux autres devaient se regrouper au sein de « Violence », formation se produisant à « La frégate canadienne » à la cité de l’exposition. Genres pratiqués : jazz, Blues, RnB, rock-and-roll, soul et musiques haïtiennes.
Dans « Latin girl » Lionel Volel est au saxophone soprano et à l’alto où il prend un solo.
Nouvelles amitiés et complicités
Parallèlement, les trois mousquetaires, Lionel Volel, Jeannot Montès et Frantz Courtois, gravitaient dans l’orbite de Herby Widmaier pour travailler, répéter, produire un à deux spectacles, et enregistrer, à titre privé et non-commercial, quelques morceaux fameux pour accompagner le chanteur.
C’est l’époque de « Alfie », « La Nouvelle Orléans », « Dindi », « Berimbaü », ou « Bidonville » selon Claude Nougaro, « si j’avais des sous » de Gilbert Bécaud, « Raison de vivre » de Eumir Deodato et Gérald Merceron, « This guy in love with you », de Burt Bacharach. La voix du chanteur phénoménal est à son pic.
Il y a un silence assez long et nous perdons Lionel Volel de vue. Il y a ces retrouvailles avec le public au « Swing Club » de l’hôtel El-Rancho, entre 1992 et 1993. Lionel joue du saxophone soprano en plus de l’alto. Il y a : Réginald Policard (piano et synthés) ; Toto Laraque (guitare électrique) ; Françoise Borno Volel (chant et percussions) ; Alix Corvington (basse) ; Rudy Guillaume (batterie) et Maxime Castera (congas). Ils constituent avec le saxo du groupe, la formation « Wave », jouant du jazz et des musiques « jazzy ». Ils nous font oublier le sinistre embargo contre Haïti, après le coup d’État du 30 septembre 1991. Nous étions fidèles à ces samedis-là, à l’hôtel El-Rancho.
Ce sont là, si notre mémoire est exacte, tous nos souvenirs des plus heureux de ce grand musicien. À la fois réaliste, humble, et perfectionniste, malgré son immense talent, le saxophoniste a peu enregistré, à l’instar de son confrère français, le grand ténor Jean-Louis Chautemps. Il a figuré comme soliste ou sideman sur les disques de ses amis.
C’est, à ce qu’il paraît, son grand ami Eddy Prophète qui a insisté pour l’intégrer à Ibo-Combo.
Lionel Volel a collaboré au passage avec les « Corvington » et « Mizik-Mizik » de Fabrice Rouzier. […]
Written by: Rédaction
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